Glaswegian Sorrows
Glaswegian Sorrows est une série de xylographies commencée fin 2022, dont le point de départ a été l’acquisition du livre de photographies de Raymond Depardon. J’ai naturellement été attirée par cette série d’images capturées dans les quartiers défavorisés de cette ville en 1980. L’onde de choc qui me traverse en les découvrant me pousse à imaginer un processus de gravure long, sur plusieurs blocs de différentes tailles et épaisseurs, pour traiter l’image à la fois par son fragment et dans son ensemble. Ce compagnonnage au long cours qu’est la transformation progressive de ces photographies par le dessin à l’encre puis par la gravure a déjà nourri bien des rêveries et des souvenirs fantasmatiques. Les ambiances déchirantes remarquablement saisies par l’œil de Depardon dans cette ville à cette époque ont pu être explorées en profondeur dans le bois, pour tenter d’en imprimer la substance, de les transformer, et de rester un peu avec elles. Une façon d’entrer dans la matière de ces images, de les traverser comme dans un rêve, laissant l’inquiétante étrangeté se frayer un chemin dans cette histoire du passé qui résonne un peu avec la mienne.
























A propos de gravure sur bois
(...)"Car ces moyens rudimentaires d’expression firent justement que, dès l’abord, la gravure sur bois s’adressa directement aux simples ; le premier livre occidental qu’elle illustre est la Bible des pauvres ; le maître qui personnifie l’art du bois gravé en Extrême-Orient, Hokusaï, fut le peintre des humbles. À l’encontre de sa rivale, la gravure en creux sur métal, qui intéresse surtout les lettrés et plaît aux raffinés par la complexité de ses effets, la xylographie n’a d’autre moyen d’expression que la franchise ; ici pas d’entre-croisements de tailles se superposant à l’infini, pas de tours de main d’encrage au chiffon, noyant la surface sous des demi-teintes fuligineuses et escamotant les formes.
Le grand intérêt de la gravure sur bois est d’être une synthèse ; les artistes qui la pratiquèrent ont dû éliminer tout ce qui ne concourt pas directement à l’expression linéaire. Il leur a fallu styliser et ne garder que l’essentiel dans leurs compositions ; et c’est ce parti pris, nécessité par la difficulté d’œuvrer les fibres rebelles du bloc générateur, qui donne à ces estampes leur grand caractère. Des lignes calligraphiées, quelques aplats et des tailles parallèles franchement écrites sur le fond immaculé du papier de chiffe suffisent au tailleur de formes pour suggérer la nature entière et nous transporter aux pays légendaires.
L’imagination supplée aux lacunes de la technique, et vagabonde entre les tailles."
Maurice Busset, La technique moderne du bois gravé et les procédés anciens des xylographes du XVIe siècle et des maîtres graveurs japonais, recueillis et mis à la portée des artistes et des amateurs, Librairie Delagrave, 1925, pages 7 et 8